[ Pobierz całość w formacie PDF ]
.Il lui fit une prière désespérée, se représentant soudain toute l’incongruité de la situation et de cette guerre qui, après avoir couvé si longtemps en Occitanie, éclatait aujourd’hui comme un coup de tonnerre.Qui suis-je en train de défendre ? Que suis-je en train de faire ?Cette fois, j’en suis sûr, Seigneur, ce monde que Vous avez créé est bel et bien absurde.Le matin suivant, alors qu’il se tenait au-dessous des murailles avec Églantine, qui portait Aimery dans ses bras, Escartille entendit le cri des guetteurs postés au-dessus d’eux.Il s’élança sur une échelle et, en quelques appuis, se retrouva auprès des soldats, sur les remparts.Il ne put s’empêcher d’écarquiller les yeux devant le spectacle qui s’offrait à lui.Diable.Le long de la rive gauche de l’Orb, l’armée ennemie installait des milliers de tentes et de chariots ; au cœur de cette fourmilière, les croisés s’activaient avec leur chevalerie, préparant les batteries de machines, glissant les boulets dans les pierrières ou les trébuchets, alignant une à une leurs tours roulantes en prévision des bombardements.Des escouades de mineurs n’attendaient que le signal des légats pour creuser leurs galeries, afin d’ébranler le fondement des murs.Sous les pavillons des chefs de guerre, on discutait des préparatifs de l’assaut, de la façon de franchir ou de combler les fossés.Çà et là, des feux s’allumaient, les femmes et les filles de joie allaient d’un lieu à un autre, traînant des marmites ou des gamelles de nourriture.Les chariots retardataires arrivaient encore au loin, recouvrant peu à peu tout le paysage, au milieu des bivouacs et des légions de chevaux aux caparaçons armoriés, broutant, buvant, hennissant, clopinant avec les écuyers.À quelques dizaines de mètres des remparts, une première ligne de siège rassemblait les sections de routiers et les cordons de fantassins ; juste derrière, des archers et arbalétriers circulaient auprès des préposés aux machines.Plus loin encore, on trouvait la noblesse et le clergé, magma semé d’étendards multicolores, de drapeaux claquant au vent, de bannières épiscopales, jusqu’à disparaître à l’horizon.Un brouhaha incessant montait de toute la plaine.Bien.Je vois.Escartille avala sa salive et sentit une grosse boule rouler dans sa gorge.Il se tourna vers l’un des soldats avec lequel il venait de faire connaissance, à côté de lui.— Ils… Ils sont nombreux, hein ?Le soldat, lui, ne paraissait pas impressionné.Il s’appelait Charles de Montesquiou, était originaire d’Agen.Il avait le visage long, les joues creuses, les paupières tombantes.Prenant appui sur sa lance, la tête recouverte d’un casque de fer, il semblait, au contraire, trouver cette effervescence plutôt réjouissante.Voir Béziers braver ainsi une armée qui s’agitait à ses pieds, comme un essaim d’abeilles autour d’une ruche, ne déclenchait en lui qu’un certain dédain mêlé d’amusement.— Les dangers et les grands travaux ne sont pas pour tout de suite ! Les Français font croire à une unité qu’ils n’ont pas… Leurs troupes se développent sur une lieue de long et les routes arrivent à peine à les contenir ! Regarde ces bandes de routiers, ils peuvent les quitter à tout moment en quête d’autres pillages moins dangereux ; tenons quarante jours, et la chevalerie elle-même devra plier bagage !Le soldat sortit discrètement une gourde de son plastron et se servit une rasade d’armagnac, avant d’éructer.Il tendit sa gourde à Escartille, mais le troubadour n’avait pas le cœur à boire.Il refusa son offre d’un geste de la main.— Ah, répondit-il, manquant de s’étrangler.S’il nous faut seulement tenir quarante jours, alors, tout est bien !Il entendit soudain la voix d’Églantine, restée avec l’enfant au pied de l’échelle.— Que voyez-vous ? Ils sont là ?Il se pencha vers elle et lui adressa un sourire forcé.— Tout va très bien, Églantine.Il y a juste… quelques tentes, de-ci, de-là…Dans la journée, Renaud de Montpeyroux, évêque catholique de Béziers, alla à la rencontre des assiégeants pour tenter de négocier avant le début des hostilités.Il se rendit jusque sous le pavillon où se trouvait Arnaud-Amaury, légat du pape et chef de l’armée ennemie.Le prélat était assis dans un fauteuil profond, entouré des principaux chefs de la croisade : on y trouvait le comte de Nevers, le comte de Bourgogne et les autres Français qui dirigeaient les opérations.Ils formaient un cercle devant l’évêque, portant tuniques et armures.Arnaud-Amaury était singulièrement accoutré, avec sa cotte de mailles frappée d’une croix par-dessus sa vêture religieuse ; entre l’étoffe et la cuirasse, le glaive et l’anneau, il se présentait autant en soldat qu’en homme de Dieu.Ses yeux étincelaient d’une fureur que l’on devinait prête à éclater à tout moment ; il avait un nez busqué ; ses lèvres se tordaient en un pli amer au coin de sa bouche.Arnaud-Amaury était, en cet instant, le suprême dépositaire du pouvoir pontifical.C’était à lui qu’Innocent avait décidé de faire confiance pour régler la délicate question du midi de la France.Cousin des vicomtes de Narbonne, général de l’ordre de Cîteaux, ancien abbé de Grandselve, l’un des grands monastères du Languedoc, Arnaud-Amaury était un homme de la région.Il connaissait d’autant mieux l’hérésie qu’il l’avait côtoyée pendant des années, et était prêt à tout pour extirper définitivement ses racines de l’Occitanie, quitte à mettre le pays à feu et à sang.Au-dessus du pavillon, les armoiries de Rome claquaient au vent.Sa tente, comme les milliers d’autres qui parsemaient maintenant le paysage, était surmontée d’une boule dorée et d’un aigle de métal fondu ; c’était une constellation de ces aigles vengeurs qui étincelait sous le soleil.La rencontre fut sèche et rapide.Arnaud-Amaury tendit à Renaud de Montpeyroux un rotulus de parchemin, dont il détacha le ruban rouge, avant de le déployer sous les yeux de l’évêque.— Voici, Monseigneur, dit-il, une liste de deux cent vingt-deux noms de personnes ou de familles hérétiques qu’abrite votre ville.Que vous et les catholiques de Béziers nous livrent les cathares dont le nom figure sur cette liste, et la cité sera épargnée.Dans le cas contraire, vous périrez tous, par la volonté du Seigneur.Renaud prit le rouleau de parchemin.Loin derrière, sous une autre tente, Raymond VI, comte de Toulouse, ravalait ses larmes de colère.Il était en armure, assis sur le bord d’un lit.Il n’osait porter la main à cette épée fichée dans le sol, à portée de ses doigts.De temps à autre, il se levait, faisait les cent pas, hochant la tête en tous sens et poussant des jurons.Puis il venait se rasseoir.Il pensait à cette terrible cérémonie qu’on lui avait infligée en l’église de Saint-Gilles.Son dos était encore douloureux des coups de fouet qu’on lui avait infligés [ Pobierz całość w formacie PDF ]

  • zanotowane.pl
  • doc.pisz.pl
  • pdf.pisz.pl
  • luska.pev.pl
  •